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De l’ACPR aux cabinets de Bruno Le Maire, Alain Griset et Jean-Baptiste Lemoyne, en passant par la direction du Trésor et le CIRI, Louis Margueritte est un visage et un nom bien connu des entreprises et acteurs du retournement. Pour VP Strat, le désormais député de la 5e circonscription de Saône-et-Loire revient sur son action au chevet des entreprises, mais également ses convictions en matière d’action publique.

En 2018, vous devenez secrétaire général du CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle). Pouvez-vous expliquer en quoi ce comité est essentiel aux entreprises en difficulté ?

Le CIRI est une structure qui est assez atypique, voire unique dans le monde, notamment dans sa capacité et son niveau d’intervention. Il a été créé en 1982, dans un format qui a assez peu évolué, avec pour but d’accompagner les changements mais aussi de rééquilibrer les rapports de force.

Le CIRI est une sorte de gardien du temple, qui s’assure que chacun fera un effort, pour donner une chance aux entreprises en difficulté (de +400 salariés) de préserver les emplois et leur permettre de continuer l’activité.

Il a deux missions essentielles : représenter et assurer les intérêts de l’État dans une restructuration, notamment quand des entreprises ont généré de la dette publique, mais aussi préserver les emplois et les activités économiques.

Ces missions ne sont pas toujours convergentes, mais notre rôle est de trouver l’équilibre. Il faut envoyer le premier signal « l’État va faire un effort à condition que vous en fassiez tous ». Et l’on s’adresse autant à l’actionnaire qu’aux banques, créanciers et clients.

Le CIRI est l’acteur, aux côtés de l’administrateur judiciaire, conciliateur ou mandataire ad hoc, garant de l’intérêt général. Généralement leurs intérêts sont alignés. Au niveau de l’État, il a également un rôle de coordination, souvent interministériel, notamment lorsque de forts enjeux sectoriels ou techniques sont en jeu, dans les transports ou la défense par exemple. L’État est avant tout le point d’entrée unique sur des dossiers qui imposent de la confidentialité et de la confiance. Et j’ai eu l’honneur de diriger cette équipe, qui est une équipe commando en réalité, avec des capacités de décision ou à faire remonter la décision qui sont assez immédiates.

Quels sont les dossiers marquants de cette période ?

Le dossier Presstalis (devenu France Messagerie) a été emblématique car difficile. Quand vous avez une presse qui vend moins en papier, le chiffre d’affaires vient à manquer. On a un enjeu d’accompagnement à ce moment-là pour trouver les bonnes solutions.

Un autre dossier, qui est vraiment un dossier COVID, c’est AccorInvest. Vous avez 20 banques autour de la table, dont toutes les banques Françaises, et dès lors, la question est de savoir comment vous structurez un deal avec des milliards de dettes, un PGE qui est l’un des plus gros que l’on ait fait, et donc avec un engagement, même maitrisé, des contribuables. Il faut discuter, mais aussi prendre des décisions rapides avec autant d’intervenants autour de la table. C’est à nous, représentants de l’État, de pouvoir faire le tri et d’effectuer un travail humain pour rassembler les acteurs.


En termes de sauvetage d’emplois, qui a nécessité du temps et a connu des phases très difficiles, il y a également Arjowiggins situé à Bessé-sur-Braye, avec près de 600 emplois menacés. 3 ans plus tard, ils sont en train d’inaugurer une nouvelle usine sur le site. C’est la preuve que l’on peut trouver un avenir à ce type de site industriel, en étroite coordination avec tous les acteurs, notamment la région avec laquelle nous avons travaillé.

Evidemment, on a eu des fermetures, mais aussi des belles réussites. Il y a ce besoin en France d’accompagnement de l’État pour sortir de la crise, et le CIRI joue parfaitement son rôle à ce titre.

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Votre passage a également coïncidé avec le COVID…

Le COVID a évidemment été une période très intense pour l’activité et donc nos équipes, avec plus de 15 calls quotidiens et des journées qui s’étendaient jusqu’à 3h du matin. Et cela pendant des semaines ! Le CIRI, aux côtés d’autres équipes de Bercy, est associé à la réflexion sur une garantie d’État. Puis en 15 jours, on passe le PGE. On pensait faire 200 000 PGE, on en fait 700 000 finalement.

Il y a eu des visio-conférences avec plus de 100-150 participants en simultané pour expliquer qu’on prenait sur nous, que tout était gelé. Il a fallu rassurer, préserver les actifs, les salaires. Et puis après, quand nous avons aperçu le déconfinement, il a fallu poser les conditions des restructurations. Mais au départ, il nous a fallu accepter un certain niveau d’incertitude.

La chose la plus essentielle, c’est qu’en 2 ans de CIRI avant le COVID, j’ai eu le temps de connaître l’ensemble des acteurs de la restructuration, beaucoup de choses sont donc passées en direct. C’est un point clé de pouvoir contacter directement un patron de banque, un CEO, d’évoquer les lignes rouges de chacun… Il faut également créer une relation de confiance directement avec le chef d’entreprise. L’humain est au moins aussi important que la discrétion qu’imposent les dossiers.

Vous êtes désormais député de Saône-et-Loire. Ces nouvelles fonctions ont-elles changé ou complété votre rapport aux entreprises ?

Je côtoie beaucoup d’entreprises au sein des territoires de ma circonscription, parce que je considère que c’est par l’emploi que tout passe, et donc par les chefs d’entreprises, ceux qui prennent des risques. J’ai pu intervenir pour accompagner un processus, débloquer une situation, mais de façon tout à fait confidentielle. Continuer à le faire est important pour moi.

J’ai aussi désormais un rôle qui incombe à ma fonction dans la promotion des entreprises de mon territoire, de sa valorisation.

Vous êtes à l’origine du projet de loi sur le partage de la valeur. Votre expérience au plus près des chefs d’entreprise a-t-elle influé ?

Evidemment, mon expérience passée m’a beaucoup aidé, notamment dans les liens avec toutes les organisations syndicales et patronales.

En octobre 2022, on fait face à un dilemme qu’est le pouvoir d’achat, qui est le sujet de préoccupation principal des Français. Dès lors, soit on ne fait rien, soit on fait des choses que je considère non adaptées comme l’indexation des salaires, les augmentations généralisées, de l’interventionnisme massif. Qui peut être séduisant en soit mais contre-productif selon moi.

Je pense qu’il faut d’abord créer de la valeur avant de la partager. On a lancé une mission d’information sur ces sujets au sein de la commission des finances et j’ai mené celle-ci avec une députée Verte de Paris, Eva Sas avec laquelle on ne partage pas forcément les mêmes réflexes idéologiques, mais avec laquelle cela s’est très bien passé. C’est la preuve aussi que l’on peut faire du travail transpartisan.

Au même moment, Olivier Dussopt demande aux organisations syndicales et patronales de réfléchir à cela, mais personne ne rejoint ce principe.

Et finalement, tout le monde tombe d’accord sur un texte présenté en juin à l’Assemblée, qui sera examiné au Sénat en octobre 2023, puis en commission mixte paritaire fin octobre. Tout a finalement été fait après discussions, échanges, concertations. Un peu le travail du CIRI en somme. J’ai retrouvé à la fois ces réflexes du CIRI et du cabinet ministériel.

Pourquoi avoir fait ce choix de la députation ?

La chose publique m’a toujours attiré, parce qu’on a un pays merveilleux : ses régions, sa culture, sa diversité. Et parce que je fais partie de ces cercles familiaux où l’on a la critique facile envers la puissance publique. Mais je me suis toujours dit que c’était en réalité plus compliqué que ça, et qu’il fallait aller plus loin et s’en emparer.

Je m’étais dit : « sois acteur, pas spectateur ». Je voudrais aller le plus loin possible dans l’action publique. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, mais je veux créer les conditions pour me représenter en faisant un bon mandat. Celui-ci est d’ores et déjà passionnant !

Pour aller plus loin, découvrez notre article sur la communication de crise, indispensable aux entreprises en difficulté.