
Apnéiste professionnel, Arthur Guérin Boëri sait retenir son souffle. Auréolé de 8 records du Monde et 5 titres mondiaux, le Français a également repoussé les limites du possible en pratiquant son sport sous la glace. Rencontre avec un homme qui gère la pression mieux que personne.
Arthur, tu es l’un des champions d’apnée les plus titrés. Comment t’es venue l’idée d’un record sous la glace ?
J’ai fait beaucoup de compétition dans des disciplines « traditionnelles » et en 2016, j’ai atteint tous mes objectifs de succès et records. Du coup, il a fallu que je trouve quelque chose de nouveau. Me tourner vers la profondeur aurait pris du temps (ndlr : Arthur Guérin Boëri excelle dans l’apnée « dynamique », discipline qui consacre la longueur parcourue en apnée et non pas la profondeur atteinte.). Cela correspondait aussi à la période où j’ai découvert la nage hivernale et ses bienfaits. Alors, en 2017, j’ai réalisé mon premier record sous glace, équipé d’une monopalme, avec 175 mètres parcourus. C’est la prise de risque, le côté symbolique qui m’intéressait. Nager sous 50cm de glace, tu ne peux pas sortir quand tu veux. Il a fallu que j’apprenne à gérer ma peur et mon appréhension.
Peux-tu nous décrire ta préparation ?
Après ce premier record, j’ai voulu aller encore plus loin, avec des records en utilisant la brasse, avec et sans combinaison. Ce dernier a demandé encore plus de préparation, avec un travail 3 fois par semaine en apnée dynamique (nager le plus loin possible à l’horizontale), qui est la discipline à travailler spécifiquement pour ce record, et un jour sur deux, une immersion de 10 à 20min dans une eau de 3 à 7 degrés pour m’acclimater au froid. Mais aussi une préparation physique incluant musculation/cardio. Ce n’est qu’à un mois de ce record réalisé au Canada que j’ai combiné apnée et eau froide, à Chamonix notamment, dans le lac de Passy.
Pour lire l’article du Parisien, cliquez ici.
Quelles sont tes sensations, physiques et mentales une fois immergé ?
Il faut distinguer le loisir et la compétition. En loisir, c’est que du plaisir, l’apnée est bonne pour le corps et l’esprit. Quand tu peux te poser sur le sable à 20/30 mètres de profondeur, regarder les poissons, c’est génial. On se sent détendu, relâché, ça vide l’esprit en plus d’être un travail sur soi.
Quand tu rentres dans la compétition en revanche, la notion de plaisir est plus relative. On est là pour la performance et non plus pour contempler les fonds marins. Au moment de m’immerger dans l’eau glacée le jour du record, il ne reste que de la peur. Une appréhension, je me demande ce que cela va provoquer dans mon corps. Le doute s’installe. Mais à un moment, peut-être 30 secondes avant de m’élancer, il se passe un truc extraordinaire.
Je choisis d’accepter le risque inhérent à ce type d’aventures. Je lâche prise sur ce risque, cette peur. Si je ne fais pas ce choix, je n’y vais pas. Et là plus rien ne m’atteint, j’arrive dans le Flow, à l’instar d’un musicien lancé dans un solo. Je suis dans un état hypnotique, les pensées vont et viennent sans s’attarder malgré le froid mordant. Et j’en sors sans encombre, notamment grâce à l’énorme préparation faite en amont.
La gestion de la respiration est clé dans tes performances. Quels conseils donnerais-tu aux dirigeants soumis à des périodes de stress et pression ?
Evidemment, apprendre à respirer est quelque chose qui peut compter. Que ce soit par de la respiration ventrale, la cohérence cardiaque, la respiration en carré… Cela peut évidemment aider à se relaxer, à faire baisser son rythme cardiaque avant un évènement stressant, une grande présentation.
Mais le plus important reste le mental. Aujourd’hui, un entrepreneur va être soumis aux mêmes sensations que moi au moment d’entrer dans la glace. Il faut réussir à lâcher prise sur le risque inhérent à chaque entreprise passionnée.
Quand tu entreprends, malgré toute la préparation que tu as pu faire, subsiste toujours une inconnue qui fait partie de l’entreprenariat. Il faut commencer à son niveau, je n’ai pas directement fait de l’apnée sous glace. Mais à chaque étape, prise de risque, on mesure l’impact que cela peut avoir sur la confiance en soi. Très vite, on y revient, encore et encore. Finalement, c’est même quelque chose qui devient indispensable, et l’on devient alors acteur de sa propre existence.
As-tu un mantra, une phrase qui t’accompagne avant tes exploits ?
Ce ne serait pas un mantra, mais plutôt des valeurs. A savoir rester humble, dans le doute. Et surtout, toujours être attentif à la beauté des choses.
Retrouvez Arthur Guérin Boëri sur son Instragram :
Image à la une © Alex voyer photographie
À propos de l'auteur
Raphael Gaftarnik
Ancien journaliste au sein du Groupe SoPress, Raphael rejoint VP Strat en 2016 pour mettre son rédactionnel et son réseau au service du pôle médias. Il conçoit et déploie les stratégies de communication médias (relations presse, achats médias, brand content) des clients de l’agence, notamment dans les secteurs des services et du conseil. Diplômé d’un Master en Droit des Affaires (Paris II Assas) et d’un Master en Journalisme (ESJ Paris), il maitrise les enjeux complexes et adapte les plans de communication médias de ses clients au développement de leurs lignes business.